vendredi 30 novembre 2012

Le voyage de Luca (par Chiara Schifano)


Le voyage de Luca est un roman de Jean-Luc Outers, publié en 2008 par les éditions Actes Sud.

L’histoire 

Quand Marian et Julie apprirent la bonne nouvelle, l’arrivée d’un bébé, ils eurent une idée folle : quitter la Belgique ou plus précisément Bruxelles pour faire le tour de l’Amérique.
Quelques mois après la naissance du petit Luca, ils décidèrent de commencer l’aventure.
Ils commencèrent par New York où Jessica et Ralph, amis de leurs amis belges Marc et Lucie, leur prêtèrent gentiment leur appartement.
Arrivé à New York, Marian décida de racheter à un vieux monsieur sa camionnette pour partir vers de nouveaux horizons.
Ils quittèrent New York pour le reste de l’Amérique, et le voyage commença vraiment.
Après New York, ce furent d’autres lieux, comme le Texas où ils adoptèrent Yesterday, une chienne abandonnée, ou bien le Mexique où ils rencontrèrent Alberto et Victoria, cultivateurs de café, qui les hébergèrent quelques jours, ou encore Mexico où Julie apprit qu’elle était de nouveau enceinte, Tuxtepec où ils rencontrèrent Augusto un mécanicien qui les aida lors d’un caprice de la camionnette, Oaxaca qui leur plaisait particulièrement, Acapulco, le Colorado, Las Vegas où Luca vit pour la première fois un cirque, Los Angeles, San Francisco où ils firent la rencontre d’une famille, voisine de leur amis Nadine et Georges, les Drumon qui ne les appréciaient pas, Victoria, Vancouver où une terrible nouvelle les frappa, la fausse couche de Julie, Montréal où ils restèrent avec Gérard et Pauline, amis des parents de Marian et où l’aventure prit fin.
Lors de ce tour de l’Amérique il y eut beaucoup de rencontres, des bonnes et mauvaises nouvelles ainsi que des séparations mais ce fut un voyage d’apprentissage pour Luca qui, à chaque nouveau lieu, rencontra des choses nouvelles comme les animaux, les moyens de transport, le cirque, les langues, la mer, les océans, la nage, la marche, les étoiles, les surfeurs et bien d’autres.
Quelques années plus tard, Luca fut frappé d’un mal qui ne lui donna plus goût à la vie mais après l’aide de la thérapeute familiale l’histoire va se répéter.

Mon avis 

Ce fut un livre agréable à lire, car l’histoire est originale et fait rêver malgré les petites mésaventures.
Ce qui est assez plaisant, c’est que l’histoire est racontée par Marian à la thérapeute familiale, ce qui donne l’impression de deux histoires parallèles.
Les personnages sont attachants et on peut s’identifier à eux, ils ont des problèmes, des disputes, comme tout le monde ; ils ne sont pas très spéciaux mais font quelque chose d’original, le tour de l’Amérique. Ça nous montre que même sans être quelqu’un de particulier, on peut faire des choses folles.
Ce qui m’a plu surtout, c’est le cadre de l’histoire, le fait que ça se passe en Amérique, en Belgique et en 1980.
La fin est surprenante : on ne s’attend pas à ce que Luca refasse un tour de l’Amérique et surtout pas que Marian et Julie recommencent avec le petit Jack comme avec Luca.
L’écriture est accessible à tous, ce qui permet aux lecteurs de n’importe quel âge de lire le livre qui est particulièrement intéressant.

L’interview de l’auteur 

Après avoir lu ce livre de Jean Luc Outers, Le Voyage De Luca, j’ai eu envie de lui poser quelques questions à propos de son livre mais aussi sur le métier d’écrivain pour pouvoir en savoir beaucoup plus sur le domaine de l’écriture.
Voici mes questions ainsi que ses réponses. 

Q1. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de devenir écrivain ?
R. : J’ai toujours écrit depuis l’adolescence, des notes, poèmes, petits textes. Écrire, ça ne s’apprend pas. Et puis un jour ce que j’étais en train d’écrire s’est prolongé et j’ai eu envie de continuer, c’est devenu, presque par surprise, L’ordre du jour, mon premier roman. Il faut dire que l’idée d’écrire un livre me trottait dans la tête, j’avais le sentiment qu’il fallait que j’en écrive un pour exister par rapport à mon père qui écrivait lui aussi et était un grand manipulateur de la langue française.

Q2. Dans ce roman, l’histoire se passe principalement en Amérique. Avez-vous déjà visité cet immense pays ?
R : Ce voyage en Amérique, nous l’avons réellement fait en 1981 mais avec deux enfants (un et cinq ans). Comme je voulais écrire un roman sur la paternité, je n’en ai gardé qu’un (d’enfant) pour le roman. Pour le reste, je n’ai à peu près rien inventé. C’était une autre époque et nous étions inconscients.

Q3. D’après vous, quelles sont les principales difficultés pour écrire un roman ? Grâce à quelles qualités peut-on les surmonter ?
R : Pour écrire un roman, le plus dur, c’est la distance. Comme j’écris sans plan, sans idée même de ce que je vais raconter, il faut donc que je m’accroche pour arriver au bout, un peu comme lorsqu’on traverse un désert. On finit toujours par arriver de l’autre côté mais il faut un peu de discipline dans le travail. Personnellement je m’isole comme je le fais maintenant où j’écris à Bordeaux. Pour vous éclairer, je vous envoie un petit texte écrit à la demande de La Libre sur le thème : écrire aujourd’hui.

Voici ce texte aimablement offert par Jean-Luc Outers :

Être écrivain aujourd’hui, c’est ouvrir sa fenêtre et écouter les bruits de la rue, le souffle du vent, le sifflement du train et le hululement de la chouette, c’est saisir une conversation dans un tram et y voir le commencement d’une histoire, c’est croire à la magie des mots pour dire le bruit de la neige sous les pas, c’est regarder la mer et donner un nom à ses couleurs changeantes, c’est marcher sur un trottoir, puis s’arrêter bouleversé par une fleur de ballast, c’est s’émouvoir à la vue d’un bébé mimant la langue sur les lèvres de sa mère ou d’un vieillard aphasique ouvrant la bouche pour rabâcher une histoire ancienne, c’est laisser affleurer à la mémoire ce que l’on pensait oublié, c’est faire entendre l’origine, c’est, dès le réveil, respirer à travers chaque mot qui surgit, c’est nommer les choses et, ce faisant, se relier au monde, c’est trouver le bonheur dans une simple notation sur un carnet sorti de sa poche, c’est ouvrir le dictionnaire et aller à la cueillette puis, en le refermant, inventer un mot qui peut-être s’y trouvera un jour, et le taquiner en l’envoyant à la fin de la phrase voir si on y est, c’est transformer par le langage le réel en imaginaire, les humains en personnages, les bureaux en labyrinthes, les habitations en maisons hantées, c’est faire parler les morts, les animaux et les pierres, c’est, comme les enfants, se raconter des histoires avant même de savoir ce que peut bien être une histoire, c’est chercher l’éclaircie dans l’obscurité, c’est ériger les mots contre la brutalité du monde et les envoyer en pleine poire des tyrans et des ploucs, qui, de toute façon, ne les liront pas, faute de temps, se désoleront-ils, rivés à leur poste de télévision, c’est être terrifié par l’innommable, c’est s’éloigner, prendre du recul, s’échouer loin de soi, s’immerger dans la solitude du silence et dire ce que le langage oral ne peut pas dire, c’est ne rien savoir de ce qu’on va écrire et se laisser porter par les mots comme on se laisse soulever par le vent, c’est, comme dit le philosophe, se croire arrivé au port et se trouver rejeté en pleine mer, c’est découvrir quelque chose qui n’était pas là avant et s’éblouir de l’à peine écrit sous l’encre qui sèche, c’est se faire à l’idée que cette partie de soi qui écrit est peut-être un autre, bref, c’est être deux, une fois pour toutes, l’écrivain et le premier lecteur, ébahi qu’il se soit trouvé quelqu’un pour écrire ça, ou enfin, comme dit l’ami Pirotte, « sonner à sa propre porte avec l’idée que quelqu’un va nous ouvrir ».